Les Sauvages, c’est une idée originale de Valérie Blaize.
Je l’ai entendu en parler pour la 1ère fois lors d’une séance commune de brainstorming, qui s’est déroulée lors d’une formation du dispositif PLACE*, dont nous faisions partie.
Son intérêt pour ce qui n’en suscite pas facilement a fait écho en moi.
D’emblée, cela suggère que l’on peut stimuler et faire vivre une partie de nous qui reste en veille sans cela.
Une part du sensible peut se consacrer à ce qui n’est pas évident, à ce qui ne nous est pas proposé, mais qu’on est libre d’aller chercher. Je pense à ce qui ne vient rien combler, à ce qui ne nous manque pas, à ce qui ni ne rassure, ni n’apaise.
Quel bonheur de voir évoqué que nous ne soyons pas seulement des êtres d’angoisse, ou de manque-à-combler. Quel bonheur de voir la possibilité du désir pur ainsi évoquée, avec son corollaire, l’Être, plutôt que l’avoir.
L’attention de Valérie s’est focalisée sur le végétal qui pousse tout seul, frugal, vulnérable, arraché souvent, mais qui repousse, semé par le vent.
Cela fait écho à mon propre projet artistique centré sur le vulnérable, condition nécessaire de tout ce qui commence, et sa remarquable puissance de résilience, puissante source d’inspiration, d’élévation.
Pourquoi le vulnérable?
Je me souviens d’un jour, il y a longtemps, où tout dans ma vie semblait me dire non. L’abattement me gagnait. Perdue dans mes pensées, je marchais sur le bitume d’une route qui longeait le bois de Vincennes. J’allais tout laisser tomber, je regardais par terre, ne croyant plus en l’horizon. Alors, j’ai vu le bitume soulevé, craquelé, tourmenté, ouvert, vaincu par une racine de chêne. J’ai pensé à la fragilité d’une jeune racine. J’ai pensé au temps qu’il fallait pour qu’elle se développe. J’ai pensé à l’adversité terrible représentée par la couche de bitume, dans laquelle j’ai vu d’autres duretés et noirceurs que celle de l’hydrocarbure inerte. À chaque forte chaleur, il s’est un peu ramolli. À chaque forte chaleur, la racine s’est un peu soulevée. Peu à peu. Elle a été parfois vaincue, recouverte. Mais elle a continué d’être fidèle à son arbre, la partie d’elle qui se nourrit de lumière. J’ai su lire, avec les cellules de mon corps, ce que cette rencontre avec cette forme de vie, hypra-lente pour nous et à notre merci, me donnait en exemple.
J’adresse une pensée reconnaissante à ce chêne qui m’a permis de tenir bon jusqu’à, entre autres, cette rencontre avec Valérie et ses Sauvages associés, Frantz Lejeune et Marie De La Guéronnière, qui regardent ailleurs et autrement que moi, comme le font les différentes branches ou racines, pour aller chercher, dans toutes les directions où c’est possible, ce qui permet La Vie.
Alors, je suis allée voir mon artiste préféré, inspirant, co-créateur de notre performance images-musique « Qui Comme Ulysse », celui qui me ramène à l’Art à chaque tentation de plaire au public: l’hypermusicen Jack Tocah. Je lui ai raconté cette histoire.
Ensemble, et avec les encouragements de David Capes* (que je remercie particulièrement), nous avons décidé de joindre nos sons, nos poésies et nos images à l’arbre du désir des Sauvages.
*Le dispositif PLACE – PLAteforme de Coopération pour l’Emploi culturel – s’adresse aux professionnels des arts et de la culture, établis en Gironde,qui cherchent à accéder à des emplois et à des activités rémunératrices durables.